Trouver Dieu dans la présence et l’apparente absence

Réflexion partagée avec une femme qui ressent une interruption dans sa connexion spirituelle

Chère H.,

Tu es peut-être surprise de recevoir un petit mot de ma part, alors qu’on ne se connait pas. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Y. si je pouvais t’écrire, et elle m’a dit oui. Y. me fait part de temps en temps des échanges qu’elle a avec W. auxquels tu prends toi-même part lorsque tu es avec elles. Elle m’a dit que tu connais mon existence, donc je ne suis pas tout à fait un étranger. Hier Y. m’a rapporté quelques paroles que tu as prononcées devant elle, et j’ai senti une envie de partager brièvement avec toi ma propre expérience sur le sujet concerné.

Tout d’abord, je voudrais saluer ton humilité qui t’a fait penser que l’interruption qui a eu lieu dans l’expérience que tu faisais est un message par lequel Dieu veut te dire que ce n’est pas par tes efforts que tu peux provoquer cette expérience, mais par sa grâce seule.

Si tu le permets, je voudrais ajouter ce qui suit.

Nous avons tendance à personnifier Dieu et à penser qu’à l’instar d’un être humain, il donne et il retient. Ma compréhension est que Dieu est une Source qui coule en permanence. Une lumière qui brille sans interruption. Un don continu.

La nature du Soleil est de toujours briller, il n’est pas responsable des nuages qui le voilent de temps en temps. Ces mêmes nuages qui le voilent à nos yeux et qui sont gris pour nous, reflètent intensément sa lumière et brillent de l’autre côté.

Pour celui qui s’est libéré de la vision dualiste et a compris qu’il n’y a que Dieu derrière toutes les manifestations — ce qui est la croyance authentique dans l’unicité de Dieu —, Dieu est à la fois la lumière et les nuages qui le voilent. Tout est Lui.

Beaucoup de personnes qui se tournent à l’intérieur d’elles-mêmes pour trouver la paix ou la joie, pensent que par la méditation elles créent elles-mêmes l’expérience recherchée. Mais tout ce qui est créé doit nécessairement disparaitre, tout ce qui commence se termine.

Il y a à l’intérieur de nous quelque chose qui n’a ni début ni fin. Une source de paix et de joie qui coule en permanence, qu’on se tourne à l’intérieur de nous ou pas. C’est pourquoi il est préférable de remplacer le verbe méditer, par l’expression « être en méditation ». Au lieu de l’idée de « faire », il y a l’idée « d’être ».

On ne fait pas d’effort pour voir. Il suffit d’avoir les yeux ouverts et de ne pas avoir d’entraves devant eux. Les entraves qui nous empêchent de voir, ce sont nos croyances limitantes et les pensées qu’elles créent. C’est ce qui nous empêche de voir et de ressentir la présence de Celui qui a dit dans le Coran « Nous sommes plus près de l’Homme que sa veine jugulaire ».

Il y est écrit aussi « Où que vous vous tourniez, se trouve le visage de Dieu ». Le voile qui nous empêche de voir et de ressentir la présence divine qui est omniprésente, c’est notre imagination. Nous l’imaginons toujours comme plénitude, mais parfois il se manifeste comme vide. Considère la figure d’un demi-cercle. D’un côté, il y a la partie convexe qui est pleine, et de l’autre la partie concave qui est vide. Mais les deux côtés font partie de la même figure. La même lune a un côté éclairé et un côté sombre. Et les deux font la même lune.

Dans le monde de la dualité où nous vivons, tout a son opposé. Et les opposés sont inséparables. Dieu existe ici et maintenant aussi bien dans sa présence que dans son « apparente absence ». Cette apparente absence accroît ta soif de lui. Tu pourras ainsi mieux apprécier sa présence, de même que le jeûne que tu entreprends te fait mieux apprécier le repas qui y met fin.

Mais même le jeûne a un goût et une saveur pour celui qui sait l’apprécier. On dit que « jeûner, c’est festoyer sur l’éther ». L’abstention de la nourriture grossière nous connecte à une source de nourriture plus subtile. Sentir la présence de Dieu lorsqu’il « semble » absent pour notre ego, a une saveur particulière qu’il ne faut pas sous-estimer.

Il nous faut accepter l’alternance de nos états d’âme comme nous acceptons la succession du jour et de la nuit. Les deux ont leur charme si nous nous abstenons de les juger. La présence divine est dans les deux et nous devons l’aimer dans ses deux expressions, visible et invisible.

Comme dans un jeu de cache-cache, Dieu est là mais il se cache. Il ne faut pas faire l’erreur de le chercher. Il est toujours là. Lorsqu’on le cherche, on suppose qu’il est loin et cette erreur nous coûte cher car elle nous éloigne de lui. Ce n’est pas lui qui n’est pas là, c’est nous qui quittons l‘instant présent lorsqu’on se met à le chercher alors qu’il est là.

Il faut toujours se rappeler que la lumière est au cœur des ténèbres comme la nuit est enceinte du jour qui naît d’elle. Et il ne faut pas préférer les dons à celui qui nous les donne. La source est plus importante que les expériences que nous pouvons avoir, elles viennent et s’en vont mais elle est toujours là.