Je ne suis pas sûr que l’être humain — même celui du XXIe siècle — soit devenu suffisamment conscient de l’étendue de son pouvoir créateur. On parle de créations littéraires, artistiques ou encore technologiques, mais on n’entend presque jamais parler de la création du monde dans lequel on vit.
Je ne parle pas du monde qui est soi-disant à l’extérieur et auquel nous donnons une réalité indépendante de nous. À y regarder de près, celui-ci n’existe pas. Oh oui, il y a des montagnes et des rivières, des arbres et des animaux, mais ce n’est pas de cela qu’on parle lorsqu’on évoque le fait de changer le monde ou de l’améliorer.
La plupart d’entre nous pensons que nous vivons dans « le monde » ; combien sommes-nous conscients que nous vivons dans « notre monde » ? Un monde fait de nos perceptions, de nos projections et de nos jugements de valeur. Il y a une planète Terre et 8 milliards de mondes qui y coexistent. Ils peuvent avoir des similitudes entre eux, mais il n’y en a pas deux qui soient identiques. Car le monde dans lequel nous vivons est éminemment subjectif. Et il dépend largement du regard qu’on porte sur les êtres et les choses qui nous entourent.
Le paradoxe du contentement
Sur notre planète, il y a des gens de condition très modeste qui rayonnent le contentement et des gens « riches » qui sont en permanence insatisfaits, voire malheureux. Les larmes des riches ne sont pas moins salées que celles des pauvres. Il y a des personnes handicapées physiques qui débordent de joie, et des personnes saines qui ne sont jamais satisfaites de leur apparence.
Le contentement s’installe lorsqu’on cesse de regarder vers l’extérieur et qu’on se tourne vers l’intérieur. Lorsqu’on cesse d’accuser de nos maux les autres, les gouvernements, la situation du monde, et qu’on prend conscience que notre regard, et ce sur quoi il décide de se poser, crée l’environnement dans lequel nous vivons, nous gagnons en liberté et en indépendance.
Un verre ne dit jamais s’il est à moitié plein ou à moitié vide, c’est celui qui le regarde qui décide d’y voir ceci ou cela. Et est-il permis de douter que ce choix n’est que le reflet du vide ou de la plénitude qui habitent l’observateur ?
Une actualité brûlante
Cette réflexion est d’une actualité brûlante, non seulement au Liban où beaucoup de gens baignent dans une ambiance morose, mais dans le monde entier où plus personne n’est à l’abri des problèmes de toutes sortes. Il est temps de comprendre que c’est de la nature du monde de la dualité dans lequel nous vivons d’être inconstant et de nous présenter alternativement l’agréable et le désagréable.
L’attitude intelligente consiste à rester focalisé non pas sur ce qu’on ne veut pas, mais sur ce qu’on veut. Non pas sur ce qu’on déteste et dont on veut se débarrasser, mais sur ce qu’on aime et qu’on recherche. On rapporte que mère Teresa n’a jamais voulu signer une pétition CONTRE les pays qui disposent de stocks d’armes nucléaires, mais POUR la paix. Consciente qu’elle était que lorsqu’on se focalise contre quelque chose, on lui prête notre attention — donc notre énergie — et on finit par le renforcer plutôt que de l’affaiblir.
L’histoire du sage et du chien
Il n’y a pas mieux que de terminer avec une petite histoire. On raconte qu’un sage se promenait un jour dans la campagne avec quelques-uns de ses compagnons. Au détour d’un chemin, l’un de ceux-ci aperçoit le cadavre d’un chien en pleine décomposition. Les contours de la bête étaient à peine visibles tant la décomposition était avancée. Il était difficile d’y voir la moindre trace de beauté comme le sage l’enseignait en permanence à ses compagnons : que là où on recherche la beauté, on finit par la trouver.
Alors le compagnon a eu un mouvement de recul, de quoi attirer l’attention du sage qui avançait en regardant droit devant lui. Celui-ci tourne son regard vers la charogne et dit : « Quelles belles dents ! » De tout ce cadavre informe, il ne restait que les dents blanches qui brillaient au soleil.
Une même charogne, deux regards différents et deux états d’âme tout à fait opposés qui s’ensuivent. Le choix nous appartient tout le temps.
Et on est appelé à le faire à chaque instant, dans tous les domaines de notre vie.