Salut E,
Je fais suite à notre dernière communication téléphonique, et je voudrais ajouter un petit mot pour préciser mon propos relatif au fait que je ne crois pas à l’individualité. Et que tout est connecté et que nous faisons partie intégrante d’un Tout invisible. Ceci peut paraître déroutant.
Prends l’exemple d’une pièce de théâtre. Est-ce que tu conçois que les acteurs puissent faire ce qu’ils veulent sur scène ? Non, car leur rôle est défini d’avance, et il est articulé à tous les autres rôles. Si quelqu’un se met à improviser, toute la pièce est faussée. Son rôle n’a de sens que s’il reste en harmonie avec ceux de tous les autres.
Cette interdépendance se manifeste dans tous les domaines de notre existence. Dans notre monde, pour qu’un événement puisse survenir, il faut qu’énormément de facteurs soient réunis. Et ce, quel que soit le domaine.
Dans une rencontre affective, il faut que les deux personnes soient libres et que leur parcours passé leur permette de se retrouver dans un certain pays, à un certain moment avec une disposition d’esprit particulière. Je ne peux pas énumérer tous les facteurs, ils sont innombrables.
Il en va de même pour les relations d’affaires. En ce qui te concerne par exemple, tu n’as qu’à considérer ce que ton séjour à Bangkok plutôt qu’aux USA pour ton stage a créé comme rencontres, amitiés et connaissances pour toi. Bref le monde dans lequel tu vis depuis sept ans maintenant.
Tout d’abord, ce n’était pas ton choix. Tu ne pouvais même pas envisager cette option qui n’existait pas pour toi avant que je t’en parle. Et crois-tu vraiment que c’est moi qui ai été à l’origine de cela, le jour où j’ai eu l’idée d’écrire à F. pour lui demander s’il peut te trouver un stage ?
Pour que je puisse lui écrire, il a fallu que j’aie fait la connaissance de son père 20 ans auparavant, et qu’on ait travaillé ensemble. Et avant cela, il s’est avéré nécessaire que je sois chez ma sœur au moment où elle a reçu dans sa boîte aux lettres une revue dans laquelle le père de F., dont je n’avais même pas entendu parler, était interviewé, ce qui m’a permis de lui écrire et de devenir son collaborateur.
Et, bien sûr, il a été indispensable que j’aie rencontré ta mère 30 ans plus tôt, pour que je sois ton père. Et tu sais par quel « hasard » j’ai rencontré ta mère, et comment je l’ai retrouvée après l’avoir perdue de vue, une histoire que j’ai racontée plein de fois, tant j’y percevais clairement la main du Destin.
Pour faire cette rencontre, il a fallu que je sois allé en France après l’université. Et ce qui m’a poussé à y aller, c’est le désir de recevoir l’initiation à la Connaissance dont il s’est avéré nécessaire que j’en entende parler au cours d’un déjeuner auquel je ne voulais pas aller, de la part de quelqu’un que je ne connaissais pas.
Même si on a le sentiment que nous faisons les choses, et c’est bien ainsi, les choses se font à travers nous. Est-ce nous qui créons nos désirs qui nous poussent à agir irrésistiblement, ou bien nous nous contentons d’y donner suite ? Tant de gens font des efforts qui n’aboutissent jamais ; d’autres réussissent ou font fortune, sans effort et par suite de rencontres « fortuites ».
Les choses sont bien faites, car la Vie nous permet d’avoir le sentiment d’agir librement. Pour moi, on est le plus libre quand on prend conscience que c’est l’Univers tout entier qui agit à travers nous. Ceci nous permet de jouer notre rôle dans la joie et la détente, en dehors de toute tension, impatience ou agitation mentale. Ce qui importe, ce n’est pas le rôle que nous sommes appelés à jouer, mais la disposition intérieure dans laquelle on le joue.
Malheureusement, certains d’entre nous sont parfois focalisés davantage sur les résultats extérieurs de leurs actions que sur les états d’âme que leur activité génère à l’intérieur d’eux-mêmes. Et il arrive que les réalisations extérieures ne leur procurent pas la satisfaction intérieure escomptée. Car peu importe combien on arrose un arbre, il ne portera jamais ses fruits avant la saison. Et à supposer qu’on y réussisse en le forçant, ses fruits ne seront pas bons.
La vraie joie n’est pas celle qui récompense l’accomplissement d’une action ou la réalisation d’un projet, mais celle qui nous accompagne tout au long du processus de réalisation par suite de notre connexion avec notre être profond.