La relation à notre milieu avant et après l'éveil

Réponse à une amie qui se plaint de ne plus se sentir intégrée à son milieu

Chère W,

Tu me fais part du sentiment persistant que tu éprouves de ne plus appartenir à un groupe de personnes, ni à un milieu social, ni même à une famille avec laquelle tu te sentais connectée.

Je ne suis pas surpris que tu ressentes cela. C’est un phénomène que nous constatons fréquemment, presque tout le temps. Le processus d’éveil crée un besoin et une soif de liberté. Notre environnement humain apparaît comme un obstacle devant nous. Nous avons l’impression que les gens autour de nous ne peuvent pas comprendre ce que nous vivons. Ils pouvaient comprendre l’ancienne version de nous-mêmes, mais pas celle qui est en train de naître. Ils ont été de précieux compagnons de route sur le chemin que nous avons parcouru jusqu’à présent, mais ils sont incapables de nous accompagner sur celui que nous avons commencé. Nous nous sentons étrangers dans notre milieu traditionnel. Nous ne sommes plus sur la même longueur d’onde. Les autres semblent enfermés dans leur monde étroit. Nous ressentons le besoin de retrouver notre famille d’âme et nous ne nous contentons plus de vivre dans notre famille biologique ou dans nos amitiés passées.

Ce processus de transformation représente une nouvelle naissance pour nous et nous avons besoin de quelqu’un qui comprend et soutient notre nouvelle évolution. Nous nous sentons éloignés de notre monde habituel. Nous en avons assez de jouer des rôles et de porter des masques. Nous ressentons le besoin de découvrir ou de redécouvrir notre réelle identité. Nous nous sentons seuls et nous avons besoin de la compagnie de personnes qui s’éveillent comme nous, et surtout de quelqu’un qui nous guide sur le chemin de l’éveil.

Il a été dit que les membres d’une même famille naissent rarement sous le même toit. Non pas jamais, mais rarement. Autrement dit, nous sommes nés dans une famille avec laquelle nous avons des liens de sang, mais pas nécessairement des liens d’âme. Plus tard, la vie nous présente des membres de notre famille d’âmes, ou de ce que nous pouvons appeler notre tribu. Les liens d’amitié qui peuvent nous unir à ces personnes peuvent s’avérer parfois plus forts que ceux qui nous unissent à nos frères de sang.

Mais le fait de chercher et trouver « notre tribu » ne doit pas nécessairement entraîner une rupture avec notre milieu d’origine. Et ce, même si parfois c’est ce milieu même qui refuse d’accepter ce que nous vivons et de le respecter. Un maître Zen a décrit le processus de l’éveil en ces termes : « Avant l’éveil, les montagnes sont des montagnes et les rivières sont des rivières ; pendant le processus de l’éveil, les montagnes ne sont plus des montagnes et les rivières ne sont plus des rivières ; après l’éveil, les montagnes sont de nouveau des montagnes et les rivières sont de nouveau des rivières ».

Cette parole signifie que ce qui a besoin de changer dans notre vie, ce n’est pas tant les circonstances extérieures, que le regard que nous portons sur ces circonstances. Et une fois ce regard change, les circonstances changent à leur tour ou nous apparaissent sous un jour nouveau.

Notre monde personnel dans lequel nous vivons est formé des perceptions que nous avons des circonstances de notre vie, conformément à cette parole stoïque selon laquelle « les êtres humains ne sont pas affectés par les évènements de leur vie, mais par l’opinion qu’ils s’en font ». Par conséquent, notre monde extérieur est une réflexion de notre monde intérieur.

Chère W, le besoin de changement que tu ressens pourrait bien se produire de l’extérieur, mais il ne serait réel et durable que s’il est précédé d’un changement intérieur. La vie dont nous rêvons est un nouvel état de conscience dans lequel on se sent à la fois connecté à tout et libre de tout. Nous nous sentons chez nous partout où nous allons. Car quels que soient le lieu géographique et la situation extérieure où nous nous trouvons, notre cadre de vie c’est en réalité notre état d’esprit que nous emportons avec nous partout où nous allons.

La nouvelle conscience que nous avons besoin d’acquérir naît d’une transformation intérieure comparable à la métamorphose de la chenille en papillon. Cette transformation nous fait passer d’une identification à la personne à une identification à la Présence impersonnelle qui est en nous. La vitesse à laquelle ce processus se déroule est fonction de l’intensité de notre soif de liberté. Plus nous nous sentons à l’étroit dans notre identité étriquée et plus rapidement éclatera la bulle de la personnalité.

On ne peut pas faire semblant d’avoir soif pour hâter le processus. C’est une question d’attraction. Plutôt que d’être focalisé sur un but lointain, il faut accueillir ce qui est ici et maintenant dans la gratitude. C’est en effet le meilleur moyen pour arriver à ce à quoi nous aspirons.

La compagnie de personnes qui partagent la même aspiration que la nôtre peut être d’une grande aide. Et si on a la grâce de rencontrer une personne qui joue particulièrement pour nous le rôle de miroir, ce sera une grande opportunité.

Car l’objet de notre quête est en nous, nous avons besoin d’un bon miroir pour le voir. L’œil peut tout voir, mais il ne peut pas se voir lui-même. Nous avons besoin de quelqu’un qui, par sa présence et son accompagnement, nous réveille du sommeil de l’âme dans lequel nous plongeons. Une bougie contient potentiellement de la lumière, mais si elle n’entre pas en contact avec une flamme vivante, la lumière qu’elle contient ne s’actualisera jamais. De même, notre âme est d’essence divine, mais elle a besoin d’entrer en contact avec une âme éveillée pour qu’elle le soit à son tour.

Aïe confiance que cela est en train de se produire pour toi et sois patiente. Peu importe combien on arrose un arbre, il ne donnera pas de fruits avant la saison. Une fois que cette transformation aura eu lieu et que la liberté intérieure sera acquise, ce qui doit continuer à te servir restera dans ta vie, et ce qui ne t’est plus nécessaire en disparaîtra.