Dieu existe-t-il ?

Réflexion livrée à une nièce en 2023 pour guider sa réponse à une question universitaire

Chère T,

Quels que soient les arguments logiques ou rationnels qui sont avancés par les philosophes, ou les motivations émotionnelles qui supportent la croyance religieuse, une croyance demeure une croyance et ne peut jamais s’élever au niveau de l’expérience sensible. Elle sera toujours en proie au doute. Il faut tout d’abord bien définir l’objet de la croyance. Poser la question de savoir si Dieu existe ne suffit pas. Encore faut-il définir le Dieu dont on s’interroge sur l’existence ou la non-existence.

À ce sujet, il y a deux conceptions : celle d’un Dieu personnel et transcendant d’une part et, d’autre part, celle d’un Dieu impersonnel et immanent. Les tenants de la vision d’un Dieu transcendant pensent que Dieu est à l’extérieur d’eux-mêmes et que par conséquent ils en sont séparés. Leur relation avec Lui ne peut être fondée que sur la croyance, car ils ne peuvent qu’y penser ou l’imaginer, guidés en cela par le système de croyances qu’ils adoptent et dans lequel ils sont le plus souvent nés et dont ils ont hérité.

Alors que les tenants de la vision d’un Dieu immanent considèrent que Dieu est dans Sa création. Il est la force qui anime l’existence de l’intérieur. Il en est l’essence. Comparable à l’huile dans l’olive ou au beurre dans le lait, il est invisible mais omniprésent dans le monde manifesté. Il est la force qui crée, qui soutient et qui détruit les formes qu’elle habite pendant un certain temps. Quelqu’un a vu dans le mot Dieu les trois initiales de ces trois fonctions : Générateur, Opérateur et Destructeur. Cette énergie qui ne peut être ni créée ni détruite, crée une forme lorsqu’elle l’investit, la maintient tant qu’elle l’habite et la détruit lorsqu’elle la quitte. Et cette force habite aussi l’être humain.

Ainsi, ceux qui ont cette vision d’un Dieu impersonnel et immanent, plutôt que d’y croire, cherchent à le goûter en allant à l’intérieur d’eux-mêmes. Et cette catégorie de personnes sont issues de toutes les voies spirituelles. Dans chaque religion, il y a le côté exotérique (extérieur fait de croyances et de rituels) et le côté ésotérique (intérieur fait d’expérience vivante). La croyance appartient au côté exotérique, et la connaissance au côté ésotérique. Ceux qui n’ont jamais goûté au miel peuvent débattre indéfiniment entre eux sur le goût qu’il a. Ceux qui y ont goûté n’ont plus besoin de débattre, ni d’adopter une croyance à son sujet ; ils savent quel en est le goût.

Un jour, un philosophe et un mystique se sont réunis. À la fin de leur rencontre, on a demandé au mystique comment était leur entretien, il a répondu : « tout ce que je vis, il le sait ». À la même question, le philosophe a répondu : « tout ce que je sais, il le vit ».