Les écrits qui sont publiés sur ce site sont nés d’une envie de communication, voire d’un désir de communion, aussi bien avec leurs destinataires qu’avec mon être profond. Ce sont des courriers que j’ai adressés à des ami(e)s, souvent pour répondre à une demande de leur part, ou encore par suite d’un besoin de donner, qui a invariablement rencontré une soif de recevoir.
Ces paroles écrites ont toujours été pour moi l’occasion de lire dans le livre du cœur et d’en retranscrire quelques phrases à l’intention de mon interlocuteur du moment. Je me suis souvent demandé si j’étais l’orateur ou plutôt le premier auditeur de ce qui était dit à travers moi.
Lorsque mes correspondants louaient ma faculté d’exprimer clairement mes idées, je les remerciais de leur aptitude à écouter. Tant je suis convaincu que seule une écoute attentive permet de laisser parler le cœur.
Et tout en reconnaissant pleinement l’importance de l’intellect dans la conduite de notre vie, je suis persuadé que seule la voie du cœur peut nous mener au paradis perdu qui se trouve toujours à l’intérieur de nous. L’intellect nous mène à la porte, mais c’est le cœur qui nous l’ouvre.
Dans les pages qui s’ouvrent ici, il s’agit d’une Réalité à la fois très simple et très profonde. Son extrême simplicité nous la rend inconcevable, en tout cas imperceptible, comme l’est pour nous l’air que nous respirons et dont nous ne devenons conscients que lorsque nous venons à en manquer. Profonde ne signifie pas éloignée. Elle est plus près de nous que ce que notre pensée peut concevoir, ou ce que notre parole peut exprimer.
J’ai été introduit à cette Réalité, j’en ai été nourri et continue de l’être. En parler est une façon pour moi d’exprimer ma gratitude.
Toutefois, les mots ne peuvent pas vraiment en rendre compte et, en les lisant, il est bon de se rappeler que lorsqu’un doigt est pointé vers la lune, c’est vers celle-ci qu’il faut regarder, non vers le doigt qui en indique la direction. Ils appartiennent au monde de la dualité où toute chose a son contraire et se définit à travers elle, alors que la Vérité, qui n’est ni partielle ni partiale, embrasse tout ce qui existe.
En rédigeant ces écrits, je n’ai pas songé un seul instant qu’ils prendront un jour le chemin de l’édition. Je me contentais d’en tirer la joie et la clarté que leur rédaction me procurait. Car on ne maîtrise vraiment un enseignement — pour en faire application dans sa propre vie — que lorsqu’on est capable de le transmettre clairement et simplement à d’autres. Aussi ai-je mis longtemps avant de décider d’en garder une trace, sans doute à cause de mon désir de liberté, ne voulant pas rester amarré au passé de ma pensée. De surcroit, seul le silence est un langage suffisamment simple pour moi.
J’ai fini toutefois par prendre conscience de l’importance que leur lecture représenterait pour mes enfants plus tard. Je fais déjà, et je continuerai à faire partie de leur « histoire personnelle ». L’éclairage que jetterait sur celle-ci la connaissance par eux de mon cheminement intérieur, serait d’une importance capitale pour une meilleure connaissance d’eux-mêmes.
Mais entre la décision de les garder et celle de les publier, il y avait un pas qu’il ne m’a pas été facile de franchir. Il a fallu, pour ce faire, me rappeler qu’on n’a pas le droit de garder la lumière sous la table.
Etant donné que leur contenu est intemporel, les lettres qui sont reproduites ici — parmi lesquelles j’ai glissé quelques articles qui m’ont été demandés pour des ouvrages collectifs —, ne suivent pas un ordre précis. Je les ai regroupées dans diverses catégories pour y faciliter l’accès, et j’ai donné à chacune un titre à partir d’une idée maîtresse qui y figure.
Pour être connue, l’expérience consignée dans ces pages doit être goûtée, et les mots ne pourront jamais dire ce qu’elle est. Le meilleur témoignage qui puisse en être donné, le plus riche en enseignements, est comparable au vol d’un oiseau dans le ciel, qui ne laisse aucune trace derrière lui. Plutôt que d’encombrer notre esprit, il réveille en nous un sentiment de beauté et de joie et nous donne envie de voler… dans une autre dimension. Dès lors, aucune disposition particulière, aucune méthodologie n’ont cours ici. C’est toujours le même élan du cœur qui s’exprime différemment.
Je serais heureux que ces lettres, qui pourront être lues au hasard, réveillent une soif chez le lecteur mais je ne souhaite pas qu’elles puissent l’étancher. L’eau qui peut étancher notre soif intérieure ne se trouve pas dans les mots mais au-delà. J’espère que le lecteur ne trouvera pas les miens assez séduisants pour lui permettre de s’y arrêter, mais qu’ils pourront le mener au seuil de sa propre sagesse en lui faisant faire un pas loin de son univers connu.
Les destinataires de mes lettres prenaient la liberté de les faire lire à des personnes de leur entourage. Selon les échos que je recevais, celles-ci les appréciaient comme si elles leur avaient été adressées personnellement. J’ai alors réalisé que derrière les identités individuelles, je m’adressais en réalité à ce que chaque être a d’impersonnel, c’est-à-dire d’universel en lui.
Plus encore, chaque fois que je relis mes écrits, je me demande si c’est bien de « moi » qu’ils émanent ou plutôt de « l’Etre Impersonnel » qui est en moi.
Habité par une soif inextinguible, j’ai entrepris dès l’âge de 19 ans — il y a de cela un demi-siècle déjà —, une quête inlassable du sens de l’Existence. Grâce à la profonde métamorphose qui s’est opérée à l’intérieur de moi, la soif est aujourd’hui toujours là mais la source d’eau vive qui l’étanche jaillit à présent sans interruption.